Un article de Prescillia Hagnere.
Jacques Demy les met en scène au cinéma avec brio en 1963 dans un des plus célèbres mélodrames « en chanté », Les parapluies de Cherbourg.
Le célèbre générique nous propose un voyage aérien dans cette ville, sur une musique de Michel Legrand : des passages de personnes ou de parapluies, la vie en mouvement de façon simple et colorée, un arc en ciel à Cherbourg, sous la pluie, non plus dans le ciel mais dans les rues. Le plaisir simple, esthétique et sensoriel de contempler ces couleurs en mouvement qui tantôt se rassemblent, tantôt s’éloignent, tantôt s’arrêtent mais le plus souvent poursuivent leur route de façon solitaire.
Cet objet discret, que nous concevons avant tout comme un objet pratique, se trouve dans nos foyers sans que nous lui prêtions beaucoup d’attention. Son origine est ancienne et méconnue, pourtant, il nous protège toujours de la pluie :
Le parapluie.
Il a pour ancêtre l’ombrelle qui fût inventée en Chine. Jusqu’au XVIIe siècle, le parapluie n’est défini que comme un synonyme du parasol. Il faut attendre une innovation en particulier pour que l’objet soit reconnu pour sa spécificité, l’utilisation d’une toile cirée qui rend véritablement imperméable l’objet au lieu de la soie utilisée jusque là pour les ombrelles. D’autres innovations vont contribuer à le rendre plus léger et plus pratique au fil des siècles pour devenir le parapluie que nous connaissons.
Cet objet pratique, esthétique et cette pluie dont il veut nous protéger, nourrit l’imaginaire collectif et nous inspire. Le parapluie ne connaît pas la question du genre, de l’âge ou de l’époque et les artistes s’en emparent pour nous inviter à rêver d’amour, d’espoir, de mystères et de surprises…
Au fil de l’eau ou dans les airs, des expositions au cœur de l’espace public nous proposent de reconsidérer l’objet.
En 2012, le britannique Jake Jerram investit durant le second week-end de septembre un canal au cœur de Rotterdam, dans le cadre du festival De Wereld van de Witte de With. 1 000 parapluies viennent habiller le lieu au fil des aléas de l’eau dans le cadre de l’exposition intitulée “Just Sometimes”. Un festival qui souhaite créer du lien entre les habitants et les lieux de navigation. Le projet s’empare d’un objet commun et offre de le redécouvrir dans un nouveau contexte. Un décors poétique et harmonieux dans lequel chacun peut interpréter ce qu’il voit, s’intéressant aux formes, aux mouvements ou aux couleurs qui évoluent au fil du temps. Un tableau dans lequel les éléments se déplacent par les aléas de l’eau.
Dans le ciel d’Avignon, les 160 parapluies de l’artiste Patricia Cunha ont pu trouver leur place de juillet à septembre 2016. Par surprise, les festivaliers et habitants ont découvert, rue des Fourbisseurs, l’installation éphémère nommée, Colorful Umbrellas. Elle protège soudain du soleil estival par un nouveau ciel coloré. Tels les ballons colorés de notre enfance que nous avions lâchés par inattention, les parapluies de Patricia Cunha touchent notre sensibilité dans un plaisir presque enfantin.

Dans l’espace public chinois, il est devenu le symbole d’une lutte, celle des militants de Hong Kong pour une Chine plus démocratique : « La révolution des parapluies ». Cet objet utilisé au quotidien par les chinois devient un moyen de se défendre face aux gaz lacrymogènes qui leur sont adressés. Ce sont des dizaines de milliers de personnes qui se se sont armées de parapluies en 2014 lors de manifestations.
Après avoir redécouvert cet objet, si nous prenions le temps de revoir la pluie et ses bienfaits pour notre imaginaire et notre planète ?
Pour les plus curieux, voici à quoi pourrait ressembler le parapluie de demain ! Pas sûr qu’il ait inspiré Jacques Demy.
Sources :