Regard sur une fontaine d’éviers !

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©Roy Lichtenstein Foundation – photo: Shunk-Kender

Grande figure du mouvement du nouveau réalisme qui voit le jour dans les années 60, l’artiste français Arman a présenté en 1993, cette œuvre atypique qu’il a nommé « Toto’s fountain ». Toto est le nom d’un grand fabricant japonais de lavabos et de baignoires qui lui avait passé cette commande. Cependant, l’entreprise annule sa demande n’appréciant pas les dessins préparatoires de l’artiste et affirmant que leurs lavabos ne peuvent fuir.

http://www.arman-studio.com/RawFiles/fontaine.mp4

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©Musée Arman

Un amoncellement de lavabos qui laissent l’eau déborder et donnent ainsi naissance à une fontaine très moderne. L’image d’une société de consommation qui gaspille l’eau. Un lien de proximité avec l’œuvre s’installe avec les spectateurs par le choix d’un objet qui lui est familier, présent dans les foyers c’est-à-dire dans l’intime tout comme dans des lieux publics. Une fontaine qui amuse et intrigue par son originalité.

Mais Arman fait un choix méritant que l’on y prête attention, les lavabos ne sont pas véritablement collés les uns les autres comme si on les avait jetés, ils sont espacés. Ce parti pris permet aux spectateurs de cette étrange fontaine de prendre le temps de voir cet objet du quotidien sous ses différents angles. Voir le trajet de cette eau qui s’échappe alors qu’on lui prête peu d’attention habituellement. Une musique continue, celle des transferts d’eau, nous invite à nous laisser transporter de façon sensible à ce que peut nous faire ressentir l’œuvre.

Une composition qui évoque notre actualité. Une société de consommation qui doit prendre conscience de sa responsabilité envers cette ressource. Multiplier pour découvrir l’impact collectif de ces détournements de regard individuels. Les objets en eux-même font art et parlent de notre société, de nos habitudes, de notre quotidien.

Durant cette même période, dans les années 90, l’artiste travaille sur un projet qu’il nomme « Atlantis ». L’idée est de donner à des objets un aspect vieilli, comme s’ils avaient passé de longues années sous l’eau. Pour ce faire, le principe repose sur des moulages réalisés par la fonte du bronze.

 

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©Studio Arman

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©Studio Arman

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©Studio Arman

Comment l’eau s’approprie un objet pour le modeler selon ses goûts. Rendre compte de sa force sur la matière. L’Atlantis est connue en français sous le nom d’Atlantide, l’île mystérieuse qui serait enfouie dans les fonds marins, légende léguée par Platon. Ce titre offre une dimension surnaturelle, énigmatique aux créations.

De façon philosophique, cette série rend compte du passage du temps. Cette société de consommation, qui accumule des objets venant nourrir nos océans, doit aujourd’hui être reléguée au passé.