Période électorale oblige, parlons politique ! Et depuis quelques mois, nos prétendants au « trône républicain » amusent la galerie en prenant quotidiennement des douches froides et brûlantes, alors, parlons-en, pas des candidats, mais de la douche…
Prendre une douche en chantant, est-ce politique ?
Il fut un temps où chanter sous la pluie était un signe de joie, de sérénité et de liberté. Souvenez-vous du mythique « Singing in the rain ». Ah ! Ce plaisir enfantin de sauter dans les flaques, de l’eau, ce don du ciel, ruisselant sur nos joues, de sentir le tissu des vêtements devenir seconde peau, les chaussures se faire grenouilles… klap klip klop, klip klop klap…
Mais il parait que ce n’est pas une attitude correcte ; regardez les mamans froncer les sourcils dès que leurs bambins se jettent sur la première petite mare de pluie. Essayez de vous promener nez en l’air sans chapeau ni parapluie sous l’ondée bienfaisante, le corps sculpté par la pluie, vous serez stigmatisé en fou, folle, ou en vilain petit canard.
Il vaut mieux chanter dans sa douche, en solitaire, et nous sommes nombreux à le faire, parait-il ; nous sommes même devenus une cible de marché pour certaines entreprises ingénieuses, comme Ilea Connect . Le concept est séduisant, très séduisant même. Jugez par vous même :
Et alors, me direz-vous, il n’y a pas de mal à se faire du bien ! Et quel rapport avec la politique ? Allez, je suis bien partie pour culpabiliser les apprentis batraciens que nous sommes ! Mais il faut bien appeler un poisson-chat, un chat… et finir par dire les choses plutôt que de se noyer corps et âme en se la coassant douce. Car avec un concept musical comme celui-là, notre douche de 4 mn va vite se transformer en Niagara de 15 mn, voire plus, la tentation étant grande pour les adeptes du bien-être que nous sommes.
Essayons donc de nous transformer en Ulysse et de nous attacher au mât de la raison pour résister à cette sirène ensorceleuse : prendre une douche de 4 mn par jour représente à minima 30 litres, soit 900 litres au mois et 10 800 litres par an ! Mais si vous vous laissez aller à cette jouissance musicale, vous quadruplez votre consommation, de quoi être atteint du vertige des profondeurs : 40 mètres cube. Par comparaison, une personne vivant dans un pays sub-saharien dispose au mieux par jour de 10 à 15 litres, soit la moitié de l’une de nos petites douches. Notre responsabilité ne s’arrête pas là, car en utilisant gels douches et shampoings, ce sont autant de litres d’eau pollués par des ingrédients chimiques (alkylphénols, paraben, phénoxyéthanol, E 320…), des nanoparticules comme celles de dioxyde de titane que rien ne peut arrêter… Le cycle de l’eau étant très long, nous gaspillons et polluons pour des années. Alors oui, une gestion familiale et raisonnée de l’eau est un acte civique, environnemental, donc politique.
Se servir en eau est tellement naturel dans notre pays, pour la population ayant un domicile je tiens à le préciser, que nous avons du mal à en appréhender la valeur. Cette eau est mise à notre disposition, non pas gratuitement loin de là, mais à volonté, sans limite. Personne ne peut imaginer voir instaurer un rationnement à l’intérieur de nos maisons ou pire voir le robinet se tarir. Et pourtant, l’accès de l’eau pour tous, ce « droit humain » que les législateurs, sous l’égide du député Michel Lesage et d’associations, tentent difficilement de mettre en place, ne coule pas de source ; cette eau se rarifie et commence à être un sujet régulièrement évoqué dans nos quotidiens. Elle est donc de la responsabilité de chacun.
Et alors oui, chanter sous la douche une fois par semaine au lieu de chaque jour, est un geste politique, symbolique certes, à notre petite échelle. Et les autres jours, quand les cieux sont charitables, chantons sous la pluie !