Pour cette seconde édition ayant pour thématique « Les femmes de l’eau », Alexis Pandellé et Sylvie Marc nous livrent leurs interprétations respectives de deux histoires singulières et tragiques. Deux destins féminins entrés dans la postérité et qui ne cessent encore aujourd’hui d’attiser la curiosité et d’inspirer notre imaginaire collectif.
La première légende nous emmène à Paris au XIXème siècle. Une femme dont la mort n’a rien enlevé à la beauté est repêchée dans la Seine un sourire aux lèvres. Saisi par ce visage dégageant un sentiment de satisfaction, le médecin légiste demande qu’un moulage soit réalisé. Qui est cette femme ? Quelle est la source de ce sourire qui orne son visage ? D’où vient-elle ? Le mystère est complet et les théories les plus folles sont élaborées. De nombreux artistes tels que Louis Aragon ou encore Vladimir Nabokov se sont inspirés de cette légende offrant une identité ou des romances fantasmées à cette jeune femme.
Sylvie Marc s’approprie cette histoire singulière pour témoigner d’un événement dramatique ayant affecté la Cisse il y a 29 ans. Le 8 juin 1988, un accident est déclaré sur le site de l’entreprise de produits chimiques Synthron, localisée à Auzouer-en-Touraine. Les produits nocifs pour l’environnement se retrouvent déversés dans la Brenne, fleuve qui lui même se jette dans la Cisse.
Au matin du 9 juin, la Cisse est marron, laisse ses entrailles flotter à sa surface. 20 tonnes de truites, brochets, carpes, anguilles et sandres ont été empoisonnés. Par ailleurs, les tourangeaux sont alors privés d’eau potable pendant 4 jours et des traces de cyanure sont retrouvées dans le fleuve jusqu’à Angers. L’entreprise est reconnue coupable de non respect du code de travail et des normes environnementales. Il faudra 5 ans de travail pour redonner vie au 53 kilomètres affectés par le drame.
Le travail de Sylvie Marc intitulé « L’inconnue de la Cisse » traite de ces sujets. Dans un buste transparent, exposé sous verre, se trouvent des éléments naturels de la Cisse comme immaculés malgré la tragédie. Dans l’esprit d’un cabinet de curiosité, les spectateurs peuvent découvrir cette nature préservée. Une œuvre artistique en forme d’avertissement. Le cabinet de curiosité étant le lieu des objets inédits et insolites, cet écosystème sain pourrait devenir un vieux souvenir à transmettre. Une légende précieuse conservée dans le buste de cette femme. Une inconnue à laquelle Sylvie Marc confère un caractère protecteur, esthétique et précieux.
Alexis Pandellé s’inspire d’un personnage féminin venu du théâtre et plus particulièrement d’Angleterre, Ophélie. Ophélie est un personnage emblématique de l’œuvre de Shakespeare. Désespérée de se voir rejetée par Hamlet, elle s’offre à la rivière. Un geste tragique qui démontre la pureté de son amour. De grands artistes se sont appropriés ce personnage pour lui offrir leur interprétation. Nous pouvons ainsi citer Rimbaud, Millais ou encore Delacroix. Il est à noter que l’iconographie relative au personnage d’Ophélie est très forte dans l’imaginaire collectif. Le récit de son amour impossible qui la mène à la mort est propice aux projections personnelles et collectives. C’est une nouvelle vision que nous propose Alexis Pandellé dans le cadre de la seconde édition du festival H2O.
Envoûtantes, ces trois Ophélies dont les photographies voguent sur l’étang du Domaine des Hauts de Loire, nous offrent un spectacle d’une grande sensibilité. Les jeunes femmes sont étendues en position fœtale sur une forme ovoïde. En les voyant suivre les aléas de l’eau, on pense à ces bébé déposés dans des paniers d’osier et confiés à la rivière. L’étang berce nos trois Ophélies de doux mouvements. Maternelle, il apaise et purifie ces esprits épris d’un amour déchu. Éternelle source de création, il leur donne une postérité sereine. Les trois Ophélies ne se donnent plus à la mort anéantie par une passion impossible, elles vont chercher le repos et la protection. Elles retournent au liquide maternel. D’autre part, de façon simple et contemporaine, Alexis Pandellé conserve la place importante de la nature accordée à Ophélie dans son iconographie et dans le récit de Shakespeare.
Dates des expositions :
Sylvie Marc, « L’inconnue de la Cisse », du 21 mai au 5 juin
Atelier 6, 16 rue du moulin, 41150 Chouzy
Alexis Pandellé, « Ophélie III », du 2 au 25 juin
Domaine des Hauts de Loire, 79 rue Gilbert Navard, 41150 Onzain