Il y a un mois, le 2 février 2020, nous étions nombreux à participer à la Conférence-débat organisée par Ludovic Cognard, directeur du syndicat mixte du bassin de la Cisse et Julie Lebrasseur du conservatoire d’espaces naturels du Loir-et-Cher : Les marais de la Haute-Cisse sont bien vivants ! Les comprenez-vous ?
Première question pour ne pas se perdre : qu’est-ce que cette journée mondiale ? Chaque année, elle commémore la signature, le 2 février 1971, de la Convention de Ramsar* sur les zones humides. L’occasion de sensibiliser les citoyens aux bénéfices des zones humides, vitales pour la biodiversité et l’humanité.
Et d’abord qu’est-ce qu’une zone humide ?
Surprise, nous n’avons pas pataugé dans le marécage et les mots ont fusé…
J’allais oublier : les trolls… non… les trognes ! Ces arbres aux mines spectaculaires, qui vous tendent les bras et ne cessent de vous répéter que les milieux humides sont des trésors de biodiversité : en effet, 50% des espèces d’oiseaux en dépendent ; ils sont indispensables à la reproduction des batraciens et la plupart des espèces de poissons ; 30% des espèces végétales remarquables et menacées en France y sont inféodées. Enfin, ils fournissent à l’homme eau et produits alimentaires !
Mais pas seulement, et d’autres arbres en cépée, qui ont souvent les pieds dans l’eau, pourraient vous le dire : les zones humides ont un rôle de zone tampon essentiel. En effet, très souvent situées en amont, elles évitent les inondations en zone avale où se situent les villes. Par ailleurs, en cas de sécheresse, elles restituent l’eau qu’elles avaient stockée pendant les pluies, et qu’elles auront de surcroît filtrée grâce aux roselières.
Le carex, l’iris, le saule, le faux roseau et quelques autres compagnons y font aussi un boul’eau formidable : ils filtrent l’eau et la nettoient. Pour vous donner un exemple : depuis la rénovation de la zone humide des Petits Tresseaux, entre l’amont et l’aval, 40% des nitrates ont disparu ; certes il en reste encore 27mg/litre, mais dans la zone humide elle-même, il n’y en a que 1 à 2mg/litre !
Alors, avec toutes ces qualités, pourquoi disparaissaient-elles ?
L’assèchement a commencé dès le XVIIe siècle ! Les marais sont, hélas, des espaces de conflits entre intérêts divergents : entre ceux qui vivent de la pêche et ont besoin d’eau, ceux qui vivent de l’élevage et ont besoin de prairies et ceux qui veulent maîtriser l’eau, endiguent, construisent des ouvrages hydrauliques, ceux qui veulent urbaniser, etc…
Les zones humides sont également associées à des peurs irrationnelles, des légendes, des pratiques magiques relayées par les contes et légendes, lesquelles conditionnent encore des comportements actuels. Nous pouvons en faire un nouveau nuage de mots :
Ces croyances sont souvent dues à la situation d’isolement de ces zones et de leur condition écologique : mi-terre, mi-eau. Cela n’explique pas tout bien sûr, mais justifiait, aux yeux de certains crédules ou manipulateurs, l’assèchement qui s’accentua surtout au XXe siècle : assèchement par peupleraies, décharges, carrières, jardins d’agrément, curages des rivières… urbanisation, bétonnage… et un développement agricole intensif eurent peu à peu raison des zones humides.
Restauration des zones humides !
Bien que les milieux humides soient protégés par le Code de l’environnement depuis 1992**, ce n’est qu’à partir du début des années 2000 que l’on commence à parler de restauration des milieux aquatiques et en particulier des zones humides en France : l’interdiction de curage et d’assèchement est édictée en 2008. Mais il faut aussi moins bétonner, moins arroser (sans oublier les jardins d’agrément tant prisés et récompensés par certaines communes), raser les talus qui retiennent l’eau, en particulier ceux créés par les anciens curages, etc…
Quels moyens ?
Il est indispensable de sortir de l’individualisme et de se réinventer en acceptant que l’eau se répande ! Des propriétaires, des collectivités, des conservatoires d’espaces naturels unissent leurs efforts pour restaurer et préserver les zones humides. Il peut sembler difficile d’inciter un propriétaire ou un agriculteur à accepter l’inondation de sa propre terre pour protéger des infrastructures construites au mauvais endroit ou simplement en aval. Et pourtant, certains comme Olivier Gabillaud (Ferme des Petits Tresseaux) ont trouvé les solutions pour concilier les deux objectifs : vivre de sa terre inondable et restaurer une zone humide. Ses vaches highland participent largement à ce défi et vivent agréablement en se nourrissant de roseaux et de feuilles de bouleaux, tout en favorisant un renouveau de la biodiversité.

Quelques marais et zones humides de la Vallée de la Cisse :
- le Marais de la Haute Cisse et coteaux de Molinas (9ha).
- Les Petits Tresseaux à Averdon. (20ha de marais en zone Natura 2000.)
- La promenade des Rinceaux à Molineuf et son sentier pédagogique.
- La zone humide de Cangey.
Le sentier pédagogique de la Promenade des Rinceaux et la mare. ©IdR.
De belles promenades et rencontres en perspective, mais attention zones sensibles…
Chut ! Écoutez…
*Ville iranienne, sur les bords de la mer Caspienne. Et depuis 1997, des organismes gouvernementaux, des organisations non gouvernementales et des groupes de citoyens à tous les niveaux de la société profitent de l’occasion pour lancer des actions de sensibilisation du public aux valeurs et aux avantages des zones humides. La diversité culturelle et biologique des zones humides constitue une richesse naturelle dont dépend notre bien-être physique et psychologique. Le patrimoine culturel de nos zones humides est le résultat d’une symbiose qui remonte à la nuit des temps entre les populations et les zones humides, une association qui a enrichi les générations passées et qui, avec votre aide, en fera autant pour les générations futures. Cette association s’est développée en raison de l’utilité des zones humides – en bref, la diversité de la vie végétale et animale des zones humides a assuré la subsistance des populations et leur a procuré de nombreux autres avantages.
**La destruction de zones humides sans autorisation est susceptible de poursuites et sanctions pénales – pouvant aller jusqu’à 75 000€ d’amende – pour une personne physique, 375 000 € pour une personne morale (Art. L. 173-1.-I du code de l’environnement) – assorties le cas échéant, d’une injonction de remise en l’état initial des lieux et d’astreintes financières.
En outre, des travaux, même autorisés ou non soumis à la réglementation, ayant entraîné une pollution ou un dommage à la faune piscicole sont également susceptibles de poursuites et sanctions pénales.